Le développement du net, des réseaux sociaux, de la dématérialisation … ont donné naissance à une nouvelle forme de criminalité. La Gendarmerie Nationale s’est dotée de cellules N_TECH pour lutter contre cette cybercriminalité . Rencontre avec ces hommes experts en nouvelles technologies qui protègent notre vie numérique.
Au 3ème jour de mes vacances, je m’aperçois que mon blog a été piraté. Lors d’une connexion via un mobile ou tablette, l’internaute était redirigé vers des sites pornographiques. Panique à bord ! En vacances et avec une très mauvaise connexion internet (merci les opérateurs …).
Que faire ? On me conseille d’aller porter plainte. Je me suis rendue à la gendarmerie de St Florent (Haute Corse). J’avais un peu peur que l’on se moque de moi : franchement, il y a quand même des choses plus importantes qu’un petit blog piraté, non ? Qu’est-ce qu’un gendarme pourrait comprendre à la e-réputation ?
Et bien, surprise totale ! J’ai été très bien accueillie, prise au sérieux, et c’est avec beaucoup de gentillesse, compréhension et professionnalisme, que le gendarme Didier Gineste a reçu ma plainte. Il m’indique que celle-ci va être transmise au spécialiste N_TECH de Bastia. Un peu étonnée, j’apprends l’existence de spécialistes en nouvelles technologies à la Gendarmerie Nationale.
Le soir même, je reçois en DM un message d’un de mes « followers » pour me proposer son aide : Jean Luc Ori, adjudant-chef, responsable de la Cellule Identification Criminelle de la Gendarmerie Nationale pour les Alpes-Maritimes et enquêteur N-TECH (n’hésitez pas à suivre ses infos très intéressantes : @jlucori).
Je vous avoue que là je n’en revenais pas du tout ! Extrêmement touchée par cette attention, je me dis que les gendarmes sont vraiment étonnants et qu’avec eux le mot « service » prend enfin tout son sens ! En échangeant, toujours par DM avec Jean Luc Ori, il me dit venir en vacances en Corse et accepte de me rencontrer avec ses collègues N_TECH pour une interview concernant la cellule dédiée à la cybercriminalité.
Cybercriminalité : des moyens humains et high tech
Direction la Gendarmerie Nationale de Bastia où, lui-même, Jérôme Liborgna – officier de Police Judiciaire à la Brigade de Recherche de Puget Theniers (06) enquêteur « Correspondant N_TECH », également en vacances, et l’adjudant Yannick Carpin – enquêteur N_TECH pour la Haute Corse et technicien en identification criminelle- me reçoivent avec mon compagnon.
Dès 1998, la Gendarmerie nationale prend conscience de l’enjeu des nouvelles technologies et du monde numérique. Ces nouveaux espaces et autoroutes de l’information sont le siège de contentieux nouveaux, inhérents à internet et à la communication numérique, mais sont aussi utilisés par les criminels et délinquants toujours en recherche de furtivité pour commettre d’une nouvelle manière des infractions « traditionnelles ».
La Gendarmerie adapte donc son dispositif tant au niveau national que pour ses échelons locaux et depuis 2002 une formation spécifique est dispensée au profit d’enquêteurs spécialisés : les N_TECH. Cette volonté de perfectionnement se poursuit depuis 2005 pour ces enquêteurs dont la formation est désormais sanctionnée par la délivrance d’une License Professionnelle et un Master 2 en SSI (Sécurité des Systèmes d’information).
Aujourd’hui chaque département est doté au minimum d’un de ces spécialistes. Fermement décidée à renforcer son combat contre la cybercriminalité et sa prise en compte du numérique, la Gendarmerie prend une série de mesures en ce sens et déploie depuis 2006 au plus près de la population des enquêteurs « Correspondants N_TECH ». Une nouvelle directive en date du 31 juillet 2014 poursuit cet effort pour garantir la présence d’au moins un correspondant par Brigade Territoriale.
Elle mène auprès de ses effectifs un travail de sensibilisation et instaure des cours en ligne pour les primo-intervenants. Ces derniers peuvent être ceux qui nous accueillent (ce qui explique pourquoi le gendarme qui a reçu ma plainte pour mon blog ne m’ait pas regardé avec de gros yeux ronds) ou ceux qui interviennent sur le lieu d’un crime et qui vont trouver un mobile ou un ordinateur. Dorénavant bien conscients du potentiel numérique et des informations qu’ils peuvent recueillir, ils savent préserver ces preuves et même les « faire parler » si besoin.
Mallette d’exploitation pour la téléphonie et « bloqueur »
Pour cela, parmi les multiples outils techniques et logiciels dont ils disposent, on peut remarquer une mallette « magique » : la mallette d’exploitation pour la téléphonie (Cellebrite – UFED Touch). « Les auteurs d’un cambriolage avaient perdu un smartphone, la vitre était cassée, le code verrouillé… : nous avons pu le « craquer » en 5 minutes et récupérer toutes ses données : sms, mms, photos, contacts … cet équipement est une aide précieuse » explique Jérôme Liborgna « elle nous permet de gagner du temps et d’en faire économiser à la cellule N_Tech en récoltant par nous même un certain nombre d’informations et en les exploitant immédiatement dans le temps de l’urgence.»
Quant aux ordinateurs, ils sont mis sous scellés et exploités par les enquêteurs N_TECH. « Pour garantir l’intégrité et la traçabilité des preuves numériques, nous utilisons des protocoles bien précis et des dispositifs particuliers, et notamment un « bloqueur en écriture » : Cet appareil protège les données contenues dans un support numérique contre toute modification, même accidentelle. Si le « bloqueur » n’est pas en route, le disque dur n’est pas accessible. « C’est la garantie que les preuves trouvées n’ont pas pu être modifiées par notre station d’analyse» explique Yannick Carpin.
Un tel dispositif a été récemment utilisé pour perquisitionner l’ordinateur d’une personne soupçonnée de pédopornographie en Haute Corse. Il avait été signalé au N_TECH de Bastia par le STRJD. Le Service Technique de Recherches Judiciaires et Documentation, basé à Rosny sous Bois, centralise et recoupe toutes les demandes relatives aux crimes et délits notamment en cybercriminalité. Il effectue une mission de police sur internet afin de détecter les prédateurs potentiels. Il transmet ensuite les informations aux enquêteurs géographiquement concernés. (Plus d’infos sur le STRJD).
Internet : le reflet des infractions de la vie
« Sur internet, outre la cybercriminalité, on retrouve les mêmes infractions que celles auxquelles nous sommes confrontés sur le terrain. » indique Jean Luc Ori « mais sur le web, tout va beaucoup plus vite et se mondialise, les pédophiles échangent facilement leurs photos, les escrocs atteignent un grand nombre de victimes très rapidement … Les gens pensent qu’internet c’est « flou » mais ils laissent leurs traces numériques comme leurs empreintes digitales ou leur ADN sur un lieu de crime. Notre travail est de connaître ces traces et les emplacements où elles peuvent être relevées, que ce soit sur les ordinateurs, les serveurs, les réseaux GSM, y compris en adressant des réquisitions judiciaires aux FAI, opérateurs, en interrogeant les géants que sont Google, Facebook, Youtube …».
Usurpation d’identité sur Facebook, piratages et chantages
Parmi les cas traités par Jean Luc Ori et ses collègues N_TECH, on peut citer l’usurpation d’identité. Laurent Durand (nom et prénoms modifiés) avait un profil Facebook. Un escroc à récupéré toutes ses photos pour ce créer un profile à l’identique « Laurent Durand 1 ». Il s’est abonné à tous les amis de Laurent en leur expliquant que c’est un nouveau compte, le précédent s’étant fait piraté. Quelques temps après, il les a sollicité en message privé pour demander leur aide financière car il avait un gros problème. Certains ont envoyé des mandats …
Un autre a piraté un compte Facebook, récupéré toutes les données personnelles de son propriétaire, dont le n° de téléphone, et s’est amusé à publier des annonces très explicites sur des sites libertins en demandant à être contacté sur ce n° de téléphone. Je vous laisse imaginer le reste …
Quant aux chantages, ils font malheureusement légion sur les réseaux sociaux. Il y a ceux que l’on nomme les « brouteurs ». Il s’agit d’hommes ou de femmes qui lient des liens d’amitié puis amoureux avec vous. Quand vous êtes bien ferrés ils vous demandent de l’argent sous prétexte qu’ils viennent de tomber gravement malades, qu’ils en ont besoin pour venir vous voir …
Si vous avez eu le malheur de leur envoyer une photo ou vidéo de vous en « petite tenue » ils peuvent également vous demander de l’argent pour ne pas la rendre publique sur le net.
La Gendarmerie mène une politique de prévention en se rendant dans les écoles pour expliquer aux enfants et aux parents comment se prémunir et quels sont les bons usages sur le web. Ils éditent et distribuent des flyers avec des conseils pratiques et des adresses utiles quand vous êtes victime d’un hacker.
Tous les conseils des experts de la cellule N_Tech à découvrir ici pour vous protéger de la cybercriminalité et savoir où et comment porter plainte si vous en êtes victimes.
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C’est intéressant (et rassurant) de savoir que ça existe, même si j’espère ne jamais avoir besoin d’eux…
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